samedi 15 décembre 2012

Retour sur les prix Nobel de littérature

Le thème du Cercle de Lecture de décembre a permis à certains de revisiter avec quelque curiosité des auteurs lus à l'adolescence. Des émotions et des saveurs retrouvées.

La symphonie pastorale, de André Gide
Ed. Gallimard - 1972

Prix Nobel de Littérature 1947
Un pasteur marié d'un petit pays du Jura tient un journal. Il recueille chez lui la jeune Gertrude, aveugle de naissance. Pendant plusieurs années, le pasteur fait au mieux pour élever cette pauvre jeune fille. Jusqu'au jour où il comprend qu'il est amoureux d'elle. Jacques, son fils, a deviné les sentiments de son père à l'égard de Gertrude. Le problème : il est lui-même amoureux de la jeune fille. Un roman d'amour et de raison.
Ce roman mérite de tenir une place honorable dans la littérature française par la qualité de l'écriture, les questions fondamentales qu'il nous amène à nous poser, l'humanité des personnages, leur vérité et l'émotion que dégage l'ensemble - CP

Lune noire, de John Steinbeck
Ed. Le livre de Poche – 1996
Auteur américain, prix Nobel de littérature 1962
Les échos de la guerre ne parviennent qu'à peine dans ce village perdu au fin fond de la Scandinavie, jusqu'au jour où les premiers soldats nazis apparaissent au sommet de la côte... Quel comportement adopter ? C'est finalement une forme de résistance qui prévaut, malgré ceux qui, à l'instar du commerçant Corell, préfèrent jouer le jeu de l'occupant. Une résistance sourde, silencieuse, obstinée, animée par le maire, Orden, et son vieil ami le médecin Winter, qui va d'abord contraindre l'ennemi à la terreur, puis l'acheminer peu à peu vers l'angoisse, le désespoir... C'est en 1942 que ce roman est édité clandestinement en France. Un huis clos où le village, cerné par la neige, apparaît peu à peu comme un microcosme de l'Europe confrontée à la barbarie totalitaire.
Les personnages sont attachants et crédibles, le livre est très bien écrit et on a envie de connaître la fin de l'histoire. La thèse développée, selon laquelle l'homme reste libre car on ne peut écraser son esprit, semble très optimiste - VB

*Le pont sur la Drina, de Ivo Andrić
Ed. Belfond – 1994
Auteur yougoslave, prix Nobel de littérature 1961
A Višegrad, c'est sur le pont reliant les deux rives de la Drina, mais aussi la Serbie et la Bosnie, l'Orient et l'Occident, que se concentre depuis le XVIe siècle la vie des habitants, chrétiens, juifs, musulmans de Turquie ou « islamisés » - quatre siècles d'histoire, depuis la construction chaotique du pont au XVIe siècle par l’Empire turc, jusqu’à sa destruction partielle en 1914.  C’est sur le pont qu’ont lieu les principaux événements de l’histoire de la ville, mais c’est aussi sur le pont  qu’a lieu l’essentiel de la vie quotidienne : les hommes s’assoient sur la kapija (vaste espace au centre du pont) pour causer, pour boire, pour fumer. L’arrivée des Autrichiens dans la ville en 1878 transforme radicalement la vie de la ville, en la faisant entrer dans la modernité à laquelle elle n’est pas préparée.
Un roman magistral, un très beau style de conteur, à la fois contenu et avec des accents de mélopées orientales - NM
Un condensé d'histoire de ce pays, véritable melting pot culturel. Le récit mêle cruauté, bonhomie et humour. En dépit des détails sordides de la réalité, l'auteur parvient toujours à garder une certaine distance et l'on s'attache aux destinées des personnages - GA 

*Home, de Toni Morrison
Ed. Bourgois – 2012
Auteure américaine, prix Nobel de Littérature 1993
La guerre de Corée vient à peine de se terminer, et le jeune soldat Frank Money rentre aux Etats-Unis, traumatisé, en proie à une rage terrible qui s'exprime aussi bien physiquement que par des crises d'angoisse.
Un appel au secours de sa jeune soeur va le lancer sur les routes américaines pour une traversée transatlantique de Seattle à sa Géorgie natale. Il va tout mettre en oeuvre pour la ramener dans la petite ville de Lotus, où ils ont passé leur enfance. Ce voyage à travers les États-Unis le pousse à se replonger dans les souvenirs et dans le traumatisme de la guerre ; plus il se rapproche de son but, plus il (re)découvre qui il est, mieux il apprend à laisser derrière lui les horreurs de la guerre afin de se reconstruire et d'aider sa soeur à faire de même.
Un très beau roman. L'auteure contrebalance toujours la dureté des événements avec des moments poétiques. Toute l'histoire pourrait se résumer à la première et la dernière page, mais on ne le découvre qu'une fois le livre lu. Le résultat est saisissant - GA
Un bon livre, mais l'auteure revient toujours sur la ségrégation raciale aux Etats Unis - un passé qui ne passe pas ! L'histoire se situe dans les années 50 - BF

*Nouvelles de Londres, de Doris Lessing
Ed. Albin Michel - 1997
Auteur britannique, prix Nobel de littérature 2007
D'abord publiés dans les revues ou magazines, les textes de ce recueil s'échelonnent sur trente ans d'écriture et sont autant d'" impressions londoniennes " ou de " choses vues ", depuis la table d'un café, la banquette d'un taxi ou un lit d'hôpital. Une adolescente accouche dans un hangar avant de rentrer chez ses parents. Une brève rencontre rapproche un chauffeur de taxi d'une jeune femme contrainte à mendier pour nourrir ses enfants. Dans un parc, une famille japonaise dispute son pique-nique à une armada de moineaux...
Même si je n'ai pas encore terminé ma lecture, je recommande chaudement ce recueil pour la complicité du regard et la finesse d'observation des scènes du quotidien - AML

*Le chercheur d’or, de J. M.G. Le Clézio
Ed. Gallimard – 1988

Prix Nobel de Littérature en 2008 
Le narrateur Alexis a huit ans quand il assiste avec sa sœur Laure à la faillite de son père et à la folle édification d'un rêve : retrouver l'or du Corsaire, caché à Rodrigues. Adolescent, il quitte l'île Maurice à bord du schooner Zeta et part à la recherche du trésor. Quête chimérique, désespérée. Seul l'amour silencieux de la jeune «manaf» Ouma arrache Alexis à la solitude. Puis c'est la guerre, qu'il passe en France (dans l'armée anglaise). De retour en 1922 à l'île Maurice, il rejoint Laure et assiste à la mort de Mam. Il se replie à Mananava. Mais Ouma lui échappe, disparaît. Alexis aura mis trente ans à comprendre qu'il n'y a de trésor qu'au fond de soi, dans l'amour et l'amour de la vie, dans la beauté du monde.
L'écriture est impressionniste : touche par touche, le monde se crée autour du narrateur et son voyage intérieur apparaît. J'ai beaucoup aimé ce livre - MM

 *Sa majesté des mouches, de William Golding
Ed. Belin-Gallimard – 2008
Auteur britannique, prix Nobel de littérature 1983
Pendant la seconde guerre mondiale, un avion s'écrase sur une île déserte. Les seuls survivants sont des collégiens britanniques. Ils tentent de s'organiser et se donnent un chef, Ralph, qui instaure des lois. Mais son autorité est bafouée par Jack, avide de liberté. Très vite, les enfants s'opposeront en deux clans dont l'affrontement sera terrible. S'ensuivent des comportements qui boudent peu à peu la civilisation et à travers lesquels les rituels immémoriaux le disputent à une sauvagerie d'une violence sans limite.
Un récit dérangeant, qui montre la fragilité de la civilisation face aux pulsions humaines. Peut-être précurseur de l'actualité - MM

Le loup des steppes, de Hermann Hesse
Ed. Le livre de poche – 1991
Auteur allemand puis suisse, prix Nobel de littérature 1946
A force de renier ce qui constitue le bonheur quotidien des hommes, Harry Haller se sent devenu un "loup des steppes" inapte à frayer avec ses semblables, de plus en plus solitaire et voué à l'isolement. Il n'entrevoit qu'une solution, se tuer, mais la peur de la mort l'empêche soudain de rentrer chez lui mettre son dessein à exécution. Il rencontre alors Hermine, son homologue féminin qui a choisi la pratique de ces plaisirs que lui-même a fuis. Elle le contraint à en faire l'apprentissage : c'est une véritable initiation à la vie, une quête troublante pour découvrir le difficile équilibre entre le corps et l'esprit sans lequel l'homme ne peut atteindre sa plénitude.
Ce livre m'a beaucoup impressionnée pendant mon adolescence et j'ai cherché à retrouver la magie du propos, celui de la solitude et du clivage chez l'individu - SAD

*L’Africain, de J. M.G. Le Clézio
Ed. Folio – 2005
Prix Nobel de littérature 2008
L’auteur a huit ans lorsqu’en 1948, avec sa mère et son frère, il quitte Nice pour rejoindre son père qui est médecin au Nigeria et qui y est resté pendant tout le temps de la guerre, loin de sa femme qu'il aime et de ses deux enfants qu'il n'a pas vu grandir. Deux rencontres fondamentales ont ainsi lieu simultanément : celle de l'Afrique et celle du père. Comme deux pays rêvés, attendus, espérés. C'est la rencontre avec l'Afrique qui ouvre ce livre en forme d'autoportrait : l'Afrique dans ce qu'elle a de plus violent, de plus éclatant, de plus saisissant ; la liberté des corps ; la matière magique d'un pays où tout est excessif, le soleil, la végétation, la pluie, les insectes.
Ce livre est très touchant. On sent la distance entre Jean-Marie et son père, son désir de le comprendre. Un roman autobiographique pudique, qui donne envie de lire d'autres livres du même auteur - HL

La coupe d’or, de John Steinbeck
Ed. Gallimard - 1998
Auteur américain, prix Nobel de littérature 1962
Basé sur la vie de Henry Morgan, le héros quitte le Pays de Galle à la recherche de l’aventure et de la gloire. Vendu comme esclave, il s’impose par son intelligence et devient petit à petit un capitaine corsaire respecté. Mais il a toujours soif de quelque chose en plus. Il est toujours l’enfant qui se sent enfermé dans sa vallée galloise au bord de la mer...
Il apprend l’existence d’une femme sublime dans la ville de Panama, le coeur de l’Espagne coloniale, ville aux milles richesses, protégée comme Fort-Knox... Il décide de conquérir Panama. Ses rêves vont s’évanouir dans le sang de Panama...
Une curiosité dans l'oeuvre de Steinbeck : il s'agit de son tout premier roman (1929) inspiré de la vie du plus illustre flibustier des Antilles, mais en aucun cas d'un roman d'aventures. Plutôt à la limite du conte philosophique - SW

La montagne de l’âme, de Xingjian Gao
Ed. Point – 2007
Auteur français d’origine chinoise, prix Nobel de littérature en 2000
Ce roman est avant tout un conte initiatique. Le héros, dont les médecins ont diagnostiqué à tort un cancer du poumon, renaît à la vie après avoir pactisé un temps avec la mort. Après une telle épreuve, il se met en quête de son Graal intérieur, symbolisé par la mystérieuse "Montagne de l'âme". Dans ce but, il sillonne sans fin son pays, une Chine post-révolution culturelle, qui n'en demeure pas moins enracinée dans son passé. À preuve, les récits fantastiques ou populaires, inspirés du patrimoine traditionnel chinois, que le narrateur égrène sur son chemin, à l'intention, le plus souvent, de la jeune femme dont il s'éprend. Chacun des personnages, désigné par un simple pronom personnel (et donc impersonnel !), apporte une couleur universelle à cet insolite roman picaresque.
La quête d'une vérité absolue. Une écriture moderne, qui traduit bien la poésie, le burlesque et le dramatique - NM

*Les titres précédés d'une astérisque sont disponibles à la bibliothèque.

Notre prochain Cercle de lecture se réunira vendredi 25 janvier sur le thème des "Nouvelles". Nous invitons les personnes qui n'ont pu assister à la première séance à venir choisir, si elle le souhaite, un livre dans la sélection que nous avons établie pour l'occasion.