samedi 9 juin 2012

L'entraide dans les contes

Dernière Heure du Conte avant les vacances. Le sujet du jour est l'entraide. Des mamans ont cuisiné un roulé et un pain d'épice... 
Chacun connaissait sa partition : au signal de la conteuse, pour soutenir les héros, tous en chœur et à tue-tête, les enfants pousseraient le cri de l'âne, du chien, du chat, et celui du coq.
Les musiciens de Brême
Un kamishibaï adapté du conte des frères Grimm par Florence Jenner-Metz, 
illustré par Mari Takács
Un âne, un chien, un chat et un coq s'enfuient de chez leur maître pour échapper au sort qui les y attend. Ensemble ils se mettent en route pour la ville de Brême, où ils comptent exercer leur talent de musicien. Chemin faisant, ils trouvent un gîte bien accueillant pour s'abriter de la nuit, mais il leur faut déloger les brigands qui occupent les lieux. Les quatre amis conviennent d'une ruse. Devant la fenêtre, grimpant sur le dos les uns des autres, ils poussent ensemble un énorme cri. Terrifiés, les brigands s’enfuient à toutes jambes, et ce dénouement inespéré détourne nos quatre amis de leur projet …

Le deuxième conte était un conte tchèque :
Les trois camarades, le Long, le Large et Œil perçant
d'Oldrich Sirovatka
Editions Gründ - Contes slaves
Un roi devenu vieux enjoint son fils de prendre épouse pour bientôt lui succéder, mais le prince succombe au charme d'une belle, retenue prisonnière dans le château d'un magicien. Aucun des prétendants passés n'en est jamais revenu... et c'est maintenant au prince de partir à la recherche de sa bien-aimée. L'entreprise est assurément impossible, et il n'y serait pas parvenu sans l'aide des trois camarades rencontrés en chemin : le Long, capable de parcourir cent lieues en un seul pas ; le Large, capable d'enfler au point d'absorber la mer toute entière ; et Œil perçant dont le regard est si puissant qu'il réduit les roches en poussière et porte au-delà de l'horizon... 

Notre troisième conte, africain, était extrêmement bref. Pour en faire la démonstration la conteuse à distribués des bouquets de bâtonnets aux enfants...
Il y avait un vieux avec ses fils.
Il avait dix fils.
Il prit dix brindilles et les attacha ensemble.
Il donna ces brindilles à l'un de ses fils et lui dit "Brise-les".
Le fils ne put les briser.
Il sépara alors les brindilles et en donna une à chacun.
Chacun put briser sa brindille.
Alors le vieux leur dit : "Si vous êtes séparés, vous voyez qu'on peut vous briser, mais si vous êtes unis, personne ne pourra rien contre vous".
Gageons qu'avec de tels contes nos enfants grandiront en sagesse...

mercredi 6 juin 2012

Un crochet par le Burkina Faso

Présenter deux "albums Jeunesse" au Cercle de Lecture, il fallait oser !
Si le charme a opéré, c'est grâce au talent d'un duo inspiré : Brigitte Cazeaux, fondatrice de la toute jeune maison d'édition Points de suspension, et l'auteure-illustratrice Véronique Vernette, rencontrées mardi dernier et qui m'ont entraînée au Burkina Faso.
Ces deux albums sont en quelque sorte des docu-fictions : dans une vision contemporaine de l'Afrique, vélos, bus, chariots et autres images animées de la ville remplacent la savane, les singes, les éléphants, les sorciers et les griots…

Cocorico Poulet Piga dépeint l'effervescence de la vie quotidienne en Afrique, à travers l'histoire du poulet que l'on emmène au grand marché de Ouagadougou, dans la cacophonie générale, sur fond de troc et de marchandage...
L'illustration n'est jamais redondante et parfois même deux histoires nous sont contées en parallèle sur la même page.
Ci-contre, un petit bus transporte Piga sur la route rouge et poussiéreuse, tandis que le tracé de la route N1 dans le ciel rappelle que le courrier emprunte le même chemin pour parvenir à Ouagadougou - la capitale, qui dispose de toutes les facilités : poste, téléphone, pompe à essence, aéroport... 
 Sur cette autre page, avec les yeux de Piga  juché sur un cadre de vélo, le lecteur finit par comprendre le but de ce voyage, en découvrant  l'étal de poulets grillés...
  
Moi, j'attendais la pluie raconte l'histoire d'une petite fille africaine qui a décidé de ne pas quitter la cour de sa maison tant qu'il n'aura pas plu... La vie suit son cours avec le passage du masta (couturier ambulant), du livreur de bois, du pousseur de barriques, et l'on parle de l'harmattan, le vent qui dessèche tout sur son passage...
Cet album a été choisi en 2004 par la Ville de Nanterre pour être offert à Noël à tous les enfants de maternelle de la ville.

L'auteure, qui a vécu sur place, dessine les espaces d'après ses souvenirs :

Rentrez dans cette cour. Vous y trouverez droit devant vous la maison de la petite fille. Tournez à droite dans la cour, et ce faisant tourner le livre d'un quart de tour vers la gauche, vous vous trouvez alors face à la maison du grand-père, et vous comprenez pourquoi la perspective ne nous est pas utile : il suffit de tourner le livre pour le lire dans le bon sens...
 La pluie tombe enfin, et l'on écoute ce vacarme sous les toits de tôle ondulée....
 C'était là ma trouvaille pour vous inviter au voyage.
Gaëlle      



Le Cercle Lecture en voyage


Notre lecture devait nous dévoiler un pays dont nous n'avions jamais foulé le sol. Pour notre plus grand plaisir, quand les uns présentaient leur découverte, les autres rebondissaient sur le sujet pour partager leurs vécus, et notre soirée s'est prolongée plus tard que de coutume...

Pays nordiques
Finlande
Sang chaud et nerf d'acier, de Arto Paasilinna
Gallimard, Collection Folio - 2011
 Linnea Lindeman, poissonnière et accoucheuse, chamane à ses heures perdues, prédit longue vie au bambin qui vient de naître.  Le livre retrace la vie d'un homme et de ceux qui l'entourent depuis l'indépendance de la Finlande jusqu'aux années 90. Les épisodes s'enchaînent un peu mécaniquement, avec une sorte de fatalisme désarmant, tandis que le monde sombre dans la crise, puis dans la guerre. Le récit brasse ainsi la petite histoire de la vie et les grands moments de l'histoire de la Finlande.
L'auteur né en 1942, est successivement bûcheron, ouvrier agricole, journaliste et poète. Il signe une quarantaine de romans, dont "Petits suicides entre amis", roman culte, paru en 2003.
Le livre se lit de bout en bout et la lecture est très agréable, mais que de dureté dans cette vie - MCH
Les choses ont bien changé, la nouvelle génération de Finlandais fait preuve d'une très grande ouverture d'esprit.
 On ne retrouve pas vraiment ici l'humour et la fantaisie qui caractérisent l'auteur - CP

Islande
Rosa Candida, de Audur Ava Olaffsdotir  
Editions Points - 2012 
Une étreinte furtive avec Anna, un bout de nuit, et Arnljotur s'est retrouvé père d'une petite fille. A vingt-deux ans, il abandonne sa famille et quitte sa terre d'Islande, avec dans ses bagages, quelques boutures de Rosa candida, une rose à huit pétales qu'il cultivait avec sa mère. Il part redonner vie à une roseraie à l'abandon dans un monastère gardé par un moine cinéphile. Un jour, Anna réapparaît pour lui confier sa fille, Flora Sol. Et si l'amour pouvait naître?
Un peu à la manière du conte, le lieu n'est jamais mentionné, comme si cela importait peu...  Le livre se lit très facilement et rappelle "Les cendres d'Angela : une enfance irlandaise". La traduction me paraît parfois hasardeuse - VD

Estonie
Purge, de Sofi Oksanen
Editions Le livre de Poche - 2012
1992, fin de l’été en Estonie. L'Union soviétique s'effondre et la population fête le départ des Russes, sauf la vieille Aliide, qui redoute les pillages et vit terrée dans sa ferme. Lorsqu’elle trouve dans son jardin Zara, une jeune femme que des mafieux russes ont obligée à se prostituer à Berlin, meurtrie, en fuite, elle hésite à l’accueillir. Pourtant, une amitié finit par naître entre Zara et elle. Aliide aussi a connu la violence et l’humiliation… A travers ces destins croisés pleins de bruit et de fureur, c’est cinquante ans d’histoire de l’Estonie que fait défiler Sofi Oksanen.
Un livre âpre et dur qui met en parallèle la violence sur les femmes et sur les peuples.  Au début, j'ai été saisi par les descriptions de la peur profonde et du désespoir, mais finalement, pour moi, l'inhumanité, les horreurs, même très bien écrits, restent des horreurs - HL

Pays d'Asie

Japon
Histoire de ma mère, de Yasushi Inoué
Editions Stock -2004
Histoire de ma mère est le récit minutieux et poignant des dernières années d'une femme qui sombre dans la sénilité, sous le regard impuissant et consterné de sa famille. Une vie se défait doucement au fil de quelques années. D'abord les souvenirs s'enfuient, la mémoire récente s'efface, puis l'infantilisme vient, la perception du monde extérieur disparaît. C'est une histoire éternelle, vieille comme le monde, et plus actuelle que jamais dans notre univers étroit qui ne sait plus donner une place à ses anciens. Composé de trois textes poétiquement intitulés " Sous les fleurs ", " Clair de lune " et " Visage de neige ", voici sans doute, dans sa brièveté et sa retenue, le livre le plus déchirant de Yasushi Inoué
Ecrit avec retenue, tact et délicatesse. Des relations familiales très feutrées sur la toile de fond des saisons. Une merveille - BF

Japon
Le fusil de chasse, de Yasushi Inoué
Editions Stock -2000
Voilà le genre de roman dont les japonais ont le secret : court, simple, poètique, mais inoubliable. En trois très belles lettres de femmes, toute la vie d'un homme se déroule devant nous avec ses non-dits, ses trahisons, ses passions partagées ou non : un très beau texte sur les relations humaines homme-femme et sur la culture japonaise.
Un texte très littéraire, dans le ton du XVIIIe siècle. Rigoureux dans la forme, mais en réalité ça bouillonne... - BF

Japon
Eloge de l'ombre, de Junichirô Tanizaki
Editions Verdier - 2011

Ce texte étonnant commence là où on ne l'attend pas (il passe plusieurs pages sur les lieux d'aisance), mais à travers l'évocation des pièces de la maison, opposant l'orient et l'occident, il révèle un aspect méconnu de l'esthétique japonaise : l'attrait pour l'ombre.  Ce livre permet non seulement de mieux comprendre l'art japonais, et particulièrement son architecture - un art basé sur le jeu subtil et délicat de l'ombre et de la lumière - mais permet aussi de s'en inspirer pour en revenir à une appréciation plus juste de nos éclairages, à retrouver la beauté dans ce qui n'est pas brutalement exposé, comme c'est trop souvent le cas dans notre société. 
J'ai découvert ce livre lors d'une Lecture publique à Houdan, dans une atmosphère tout à fait appropriée, et c'était un enchantement. Je l'ai relu avec le même plaisir. Je vais résolument m'intéresser à l'art japonais et visiter des musées et lirai volontiers d'autres ouvrages du même auteur - CP

Pays d'Afrique

Afrique du Sud
Conversations avec moi-même, de Nelson Mandela
Editions La Martinire - 2010

Il s'agit d'un recueil de fragments de journal, de conversations, de discours qu'il a pu faire. On y découvre l'homme (et non son parcours de militant).
L'auteur est quelqu'un qui réfléchit énormément, qui lit beaucoup, analyse, pèse les idées. Rien de ce qu'il peut dire n'est spontané, tout est pensé. Il est très méticuleux et s'intéresse au plus petit détail. Son humanité force le respect. Certaines de ses déclarations sont contradictoires, et c'est à mon sens voulu : cela prouve seulement qu'il est un homme, et donc faillible. Il se retourne aussi parfois sur son passé et a des regrets, notamment vis-à-vis de sa vie de famille - VB

Burkina Faso


   

Cocorico poulet Piga et Moi, j'attendais le pluie, de Véronique Vernette

Editions points de suspension

Pays d'Amérique latine
Brésil 
Capitaine de la mer océane, de José Sarney
Editions Hachette Littérature - 2001
Dans ce roman, qui mêle légende et réalité, José Sarney évoque avec talent l'atmosphère du nord-est du Brésil : les pêcheurs du Maranhào, gens rudes et simples, entourent le héros Cristôrio, capitaine de la mer océane. Dès l'âge de six ans, celui-ci a connu, face à la tempête, le monde des vaisseaux fantômes qui hantent les ténèbres, les ombres et les mystères de la mer, son ami Querente, un revenant surgi de l'eau, en compagnie duquel il va affronter tous les dangers. À bord de Chita Verde, son canot, Cristôrio passe sa vie sur l'immensité des espaces marins, eaux de Dieu et du diable... Tout se déroule dans une atmosphère de fantasmagorie lyrique qui donne au livre sa force narrative et poétique.
C'est la personnalité de l'auteur, un temps président de la République du Brésil, qui m'a attiré vers ce livre. Beaucoup de nonchalence et de sensualité dans cette langue - une  invitation à découvrir ce pays - SW

Entre Equateur et Patagonie
La lampe d'Aladino et autres histoires pour vaincre l'oubli, de Luis Sepulveda
Editions Métailié - 2009

Douze histoires pour vaincre l'oubli, pour traverser les siècles et les continents : des confins de la Patagonie aux rues brumeuses d'Hambourg, Luis Sepulveda convoque poètes et loups de mer, personnages légendaires et exilés de tous horizons. De sa voix unique, pleine d'humour et de poésie, il puise dans les mythes et les vestiges du passé pour perpétuer la mémoire du monde. Les titres des histoires donnent le ton : "L'histoire d'une mouette et du chat qui lui a appris à voler", "Journal d'un tueur sentimental, "Rendez-vous d'amour dans un pays en guerre",... 
 Des contes drôlatiques qui rappellent "Cent ans de solitude" de Gabriel Garcia Marquez, d'une grande poésie. On est bien loin de note rationalisme, ici la nature commande - NM

Amérique du Nord
Canada
Crow Lake (titre français : Le choix des Morrison), de Mary Lawson
Editions Chatto & Windus - 2002

Crow Lake, au nord de l'Ontario. Une terre magnifique et rude, aux confins de la civilisation, encore marquée par la figure des trois pionniers qui la défrichèrent. Autour de l'église, de l'école et de l'unique magasin vit une petite communauté de fermiers régie par une austérité toute presbytérienne, qui n'a d'égale que la solidarité s'exerçant en cas de coup dur. Chez les Morrison, les enfants étudient, jouent et se disputent, innocents. Ainsi vécurent Kate, sept ans, ses grands frères, Luke et Matt, et sa petite soeur, Bo, jusqu'à ce qu'un beau dimanche de juillet un accident de voiture coûte la vie à leurs patents. Si Luke, l'aîné rebelle, renonce alors à entrer à l'École normale pour s'occuper tant bien que mal de ses cadets, Matt, à l'intelligence exceptionnelle, devient porteur de tous les espoirs d'une famille destinée à s'élever par l'instruction... Matt, un héros idolâtré par la fillette, mais un adolescent fragilisé par la tragédie... Une fois adulte, Kate enseigne la biologie à l'université de Toronto. Après avoir quitté Crow Lake sans un regard en arrière, la perspective de revoir son frère et le village de son enfance la bouleverse. Devenue une étrangère parmi les siens, elle devra affronter les conséquences des choix douloureux faits vingt ans plus tôt...
Premier roman de l'auteur, placé en tête des listes de best-sellers américaines et canadiennes et déjà traduit dans treize langues. J'ai lu ce livre en Anglais avec un immense plaisir - BB
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En vous souhaitant à tous de très bonnes vacances, voici deux livres pour cet été : 
  • Une vie bouleversée, d'Etty Hillesum - une suggestion de Brigitte : Un best seller extra-ordinaire !   
  • Un monde sans fin, de Ken Follet - une suggestion de Véronique : Plus de mille pages qu'on lit facilementil se passe quelque chose à chaque chapitre et en plus, on prend des leçons d'économie...