lundi 27 novembre 2017

Le Cercle de Lecture du mois de novembre a pour thème "LA MER"



Prenons le large grâce aux “ailes de géant” de Baudelaire, chantées par une interprète inattendue dans un tel répertoire CLIQUEZ. Pas mal, non ? Cela prouve une fois de plus qu’il faut se garder des idées préconçues. On pourra pourtant préférer à cette nouvelle version celle qu’enregistra Léo Ferré en 1967 CLIQUEZ , même si l’accompagnement choral en semble aujourd’hui bien désuet.  SW



Seul autour du monde à la voile, de Joshua Slocum, Ed. La Découvrance – 2010

Le 24 avril 1895, le marin américano-canadien Joshua Slocum quitte Boston à bord du Spray. Ce voilier de 11 mètres n’était qu’une épave abandonnée dans un pré lorsqu’un ami le lui offert. Mais il l’a reconstruit de ses mains en vue d’une folle aventure : le premier tour du monde à la voile en solitaire. L’homme a des moyens financiers proches de zéro, mais navigue en virtuose : ancien capitaine de goélette, il a été réduit à l’inaction par l’avènement de la vapeur. Son périple le mènera de Gibraltar à l’Australie via le Brésil et les terribles tempêtes du détroit de Magellan. Il traversera ensuite l’océan Indien pour rallier l’Afrique du Sud, puis Sainte-Hélène, l’île Ascension et l’île de la Grenade. C’est le 27 juin 1898, soit trois ans après son départ, qu’il jettera de nouveau l’ancre à Boston après avoir parcouru plus de 46.000 milles (85.000 km).

Ce voyage mythique n’a rien à voir avec les circumnavigations ultra-rapides de nos coureurs des mers. Slocum prend son temps et savoure des rencontres souvent agréables (la veuve de Robert-Louis Stevenson aux Samoa) et parfois insolites (le président Kruger au Transvaal, convaincu que la Terre est plate…). Naturellement, il affronte aussi des dangers : pirates et pillards dans l’Atlantique et en Patagonie, hallucinations dans l’océan Indien, épouvantables tempêtes et même traversée d’un barrage de mines à la fin de son voyage, en raison de la guerre hispano-américaine survenue à son insu !  Mais il les affronte avec une bonne humeur inébranlable et une modestie qui force le respect.

Passionnant journal de bord, son récit est presque un roman d’aventures. Son retentissement fut tel qu’en 1961, le navigateur français Bernard Moitessier donna à son ketch de 12 mètres le nom de Joshua, en hommage à son glorieux prédécesseur.  A bord de ce voilier, lui-même entra dans la légende en 1968, lors du premier Golden Globe : alors qu’il avait course gagnée au passage du cap Horn, il dédaigna le reste de l’épreuve pour tailler vers le cap de Bonne-Espérance et la Polynésie, bouclant ainsi en 303 jours un tour du monde et demi en solitaire et sans escale. Depuis lors, cet exploit n’a jamais eu d’équivalent. 

Amusant de lire ce livre à notre époque où tour du monde à la voile est synonyme de compétition, technicité, vitesse, performance… Eloge d’une navigation lente et humble face aux rigueurs des océans, mais aventure humaine extraordinaire, cette circumnavigation de Joshua Slocum a inspiré de nombreux navigateurs, amateurs autant que professionnels. Elle en a fait rêver et continue à en faire rêver bien d’autres encore. MM



La mer n’est pas assez grande, de Kito de Pavant, Ed. Privat - 2017

En 2016, le navigateur Kito de Pavant participe pour la troisième fois au Vendée Globe Challenge, épreuve où il a été contraint à l’abandon par un démâtage en 2008 et par une collision avec un chalutier en 2012. Mais une fois encore, la malchance le poursuit : dans les quarantièmes rugissants, après trente jours de navigation, le choc contre un cachalot met brutalement fin à son rêve.

Aujourd'hui, à 56 ans, le marin raconte ce drôle de tour qui aurait pu finir plus mal, grâce aux notes écrites à bord de son monocoque Bastide Otio, et envoyées au jour le jour à son équipe. Sur ses photographies inédites, prises au cours de la traversée, se dessine une fantastique odyssée qui s'est terminée trop tôt.

Rapidement secouru par le Marion Dufresne, cargo chargé de ravitailler les terres australes françaises, qui par chance se trouvait à une centaine de milles du lieu du naufrage, Kito de Pavant a ainsi poursuivi ce voyage dans le Grand Sud qu'il avait rêvé en solo. Mais on ne balaie pas d'un revers de ciré autant d'années passées sur tous les océans du globe.

L’avenir du marin de Port-Camargue passe aujourd'hui par un nouveau projet, via la transat Jacques Vabre.

Plus d’un siècle sépare cette navigation tronquée de celle de Slocum.  Il est intéressant de voir que même à notre époque, avec l’aide de toutes les technologies de construction nautique et de navigation disponibles, la chance reste un facteur essentiel de succès et de survie. L’ouvrage est illustré par des photographies, des dessins et aussi par des QR Codes permettant d’aller chercher des illustrations sonores sur Internet. Car là aussi, l’évolution de la technologie permet de compléter le texte. Mais dans les deux cas, derrière la narration, il y a la même aventure humaine, tout aussi riche en émotions. MM





Le naufrage de la Méduse, d’Alexandre Corréard et Jean-Baptiste Savigny, Ed. Folio - 2015

En juillet 1816, un an après la chute de Napoléon, la Méduse et trois autres navires français cinglent vers le Sénégal –encore occupé par les Anglais– pour en reprendre possession aux termes du traité de Paris. Mais la Restauration ayant écarté tous les cadres formés sous l’Empire, l’escadre est dirigée par un aristocrate qui ne navigue plus depuis 25 ans ! S’approchant trop de la Mauritanie au mépris de dangers pourtant bien cartographiés, il échoue la frégate sur un banc de sable dont il ne pourra la dégager. Dans un sauve-qui-peut général à bord des canots disponibles, une partie des passagers (dont lui-même) parviendra à Saint-Louis au prix de lourdes pertes. Mais leurs épreuves ne sont rien par rapport à l’enfer vécu par les 147 autres. Abandonnés sur un radeau à demi-submergé sous leur poids, ils vont dériver pendant deux semaines. En butte à une faim et une soif dévorantes, cette petite société se transforme en quelques jours en une horde d’une sauvagerie sans égale. Mutineries, massacres, liquidation des blessés et cannibalisme seront le lot quotidien de ces malheureux. Lorsqu’ils seront enfin secourus, il n’en restera que quinze, dont cinq mourront à l’hôpital de Saint-Louis. Parmi les survivants, le géographe Corréard et le médecin Savigny décident de dresser le réquisitoire d’une des plus terribles tragédies de l’histoire maritime. Ils ne se doutent pas qu’ils vont déclencher une crise majeure au sommet de l’Etat. Ni qu’ils seront à la source d’un des sommets de l’histoire de la peinture : Le radeau de la Méduse, par Théodore Géricault.

Sous le style désuet des deux auteurs, on sent parfaitement la rage qui les anime : ils réclament justice face aux sommets d’incompétence et de lâcheté dont ils ont été victimes, et à la suite desquels la condamnation du capitaine de Chaumareys à trois ans de prison semble bien faible. A Paris, le drame aura pour conséquence politique un virage vers plus de modération après les premiers excès de la Restauration. Quant au lecteur moderne, il ne peut que se poser la question : jusqu’où chacun de nous peut-il aller pour défendre sa propre survie ?  SW

Ce récit me fait penser à Radeau, d’Antoine Choplin, roman dans lequel Le radeau de la Méduse fait partie des tableaux que le héros doit mettre en lieu sûr pendant la débâcle de 1940. Le témoignage de Corréard et Savigny a manifestement servi de source à l’auteur. CP 



Sardaigne et Méditerranée, de D.H. Lawrence, Ed. Gallimard – 1958

Une visite en coup de vent a fourni à D. H. Lawrence la matière de cette relation de voyage, publiée en anglais en 1923. Parti de Catane le 4 janvier 1921 en compagnie de sa femme, il remonte hâtivement la Sardaigne du Sud au Nord (Cagliari, Mandas, Sorgono, Nuoro) et oblique ensuite vers Olbia, sur la côte orientale, où il réembarque à destination de Civita Vecchia. Un chapitre de ce court livre retient particulièrement l’attention : il décrit un voyage de 30 heures entre Palerme (Sicile) et Cagliari (Sardaigne) à bord d’un vapeur de l’ère victorienne. L’auteur y passe des descriptions poétiques au comique quand il s’agit de ses compagnes de voyage. Il décrit les hautes terres de Sardaigne vues de loin, transparentes comme des icebergs. Il admire la technique de construction du vieux bateau tout en chêne, sans rivets. Puis il raconte son échange avec le menuisier qui critique l’Angleterre pour les prix auxquels elle vend son charbon, et la manière dont Anglais et Américains profitent du taux de change. Lawrence lui rétorque avec humour qu’il n’est pas « l ’Angleterre sur deux pieds ». Mais plus généralement, ce qui caractérise l’ensemble de l’ouvrage, c'est la perception d'une conscience hypersensible, réactive à tous les signes que les réalités successives du voyage lui proposent, et qui répond aux arbres, aux fleurs, aux fruits, à la terre, à la mer, aux paysages, aux montagnes, saisis dans leur vibrations intimes, avec une véhémence admirablement traduite en un langage tout parcouru de frissons.  

Je ne me lasse pas de le relire ce petit vivre, qui me passionne depuis longtemps.  Un bémol toutefois dans mes éloges : n’ayant pas lu la traduction française, je ne suis pas sûre qu’elle rende justice au style admirable du texte original. SV



Bord de mer, de Véronique Olmi, Ed. Actes Sud - 2003

Pour la première fois de leur vie, une mère emmène ses deux enfants au bord de la mer. A priori, voilà un sujet bien banal. Pourtant, très vite, le lecteur plonge dans une atmosphère sombre qui ne ressemble en rien aux habituels clichés réjouissants de plages ensoleillées, de jeux de sable et de mer d’huile. Tout d’abord parce que le départ de cette petite famille ressemble plus à une fuite qu’à des vacances organisées : il se décide en pleine période scolaire, dans un mois de novembre brumeux et invariablement pluvieux. Ensuite, la mer que tous trois découvrent ne se présente à eux que sous son plus mauvais jour : elle est brunâtre, déchaînée, continuellement en colère. Ils échouent aussi dans la chambre exiguë d’un hôtel miteux, avec comme unique trésor une boîte d’économies ne contenant guère plus qu’une cinquantaine de francs.

Après avoir déambulé dans ce décor lugubre et hostile, ils vont « s’offrir », en contraste, les lumières multicolores et les joies d’une fête foraine. Ils pénètrent un lieu de vie animé de musiques, d’odeurs sucrées qui les transportent dans un univers empli de rires et de douceurs jusqu’à épuisement des quelques pièces de monnaie qui restaient. Là, l’angoisse des personnages voués à l’obscurité se communique tout aussi intensément au lecteur, qui entrevoit le drame qui se profile…

Véronique Olmi–qui vient d’obtenir le prix fnac 2017 pour Bakhita– s’est inspirée pour ce premier roman d’un fait divers bien réel.  Impuissante devant la misère des démunis, des SDF et des sans-papiers, elle a voulu tirer une sonnette d’alarme dans l’espoir que nous ne regardions plus jamais les exclus de la même manière. « Même si nous ne voyons pas comment agir face à ces situations inacceptables,” dit-elle, “nous devons reconnaître. Sans reconnaissance de l’autre, il n’y a aucune vie possible. Je mets en scène Bord de mer parce qu’un arbre qui tombe en forêt, ça ne fait pas de bruit s’il n’y a personne pour raconter sa chute ».

Bord de mer est un monologue d’une centaine de pages, puissant, bouleversant, dérangeant à en couper le souffle. Ce livre nous amène au centre de la détresse sociale et même après que nous l’ayons refermé, il continue à nous hanter. Ames sensibles s’abstenir … DM




Les passagers du vent, série BD de François Bourgeon, Ed Casterman – à partir de 1979

Cette fresque historique remarquablement documentée, qui a pour cadre la mer au XVIIIe siècle, raconte les aventures rocambolesques et tragiques d'Isa, une jeune noble dont on a volé l'identité. Elle rencontre sur un vaisseau de la Marine royale Hoel, un gabier à qui elle sauve la vie. Hoel se retrouve prisonnier dans un sinistre ponton anglais. Mais avec l’aide de son amie anglaise Mary, Isa parvient à le libérer. Isa, Hoel et Mary embarquent à bord du navire négrier Marie-Caroline, et arrivent ainsi au comptoir de Juda, dans le royaume du Dahomey. Face aux intrigues de pouvoir et aux sortilèges africains, Isa doit lutter pour guérir Hoel d'un empoisonnement. La Marie-Caroline repart pour Saint-Domingue avec sa cargaison de « bois d’ébène », c’est-à-dire d’esclaves. Ces derniers se mutinent, mais leur révolte est réprimée dans un bain de sang. L'arrivée à Saint-Domingue sera déterminante pour Hoel et Isa.  Comme bien des personnages féminins de l'œuvre de Bourgeon, Isa fait preuve tout au long du récit d’une grande liberté –ce qui se traduit par beaucoup de scènes assez osées– et affronte un monde dominé par les hommes, souvent lâches et brutaux.

Après parution des cinq premiers tomes, deux autres ouvrages sont publiés 25 ans plus tard, en 2009 et 2010, sous le titre La petite fille Bois-Caïman. Plongée dans la guerre de Sécession entre La Nouvelle-Orléans et les bayous du Mississippi, la jeune héroïne Zabo est l'arrière-petite-fille d'Isa. Toutes deux se rencontrent, ce qui permet à l'auteur de nous conter en flash-back la suite des aventures d'Isa.

A la fois dans cette série et dans Le sortilège du bois des brumes, j’aime beaucoup Bourgeon, à la fois pour sa liberté de ton et pour la qualité de ses illustrations. Tout cela est certes assez provocateur, marqué par la violence et à ne pas mettre entre toutes les mains, mais c’est passionnant. Cela dit, les deux derniers tomes traduisent une grande évolution de son style, moins agressif et plus gentil. VD



Les déferlantes, de Claudie Gallais, Ed. Du Rouergue – 2008

A la Hague, on dit que le vent est parfois tellement fort qu'il arrache les ailes des papillons. Sur ce bout du monde perdu à la pointe du Cotentin vit une poignée d'hommes. 
C'est sur cette terre âpre que la narratrice, dont nous ne connaîtrons jamais le nom, est venue se réfugier depuis l'automne. Employée par le Centre ornithologique, elle arpente les landes, observe les falaises et leurs oiseaux migrateurs. La première fois qu'elle voit Lambert, c'est un jour de grande tempête. Sur la plage dévastée, la vieille Nan, que tout le monde craint et dit à moitié folle, croit reconnaître en lui le visage d'un certain Michel. D’autres au village, ont pour lui des regards étranges. Comme Lili, au comptoir de son bar, ou son père, l'ancien gardien de phare. Une photo disparaît, de vieux jouets réapparaissent. L'histoire de Lambert, venu là pour vendre la maison familiale, intrigue la narratrice et l'homme l'attire. En veut-il à la mer ou bien aux hommes ? Dans les lamentations obsédantes du vent, chacun semble avoir quelque chose à taire.

J’ai beaucoup aimé ce livre. Il fait partie de ceux qu’on ne lâche plus dès qu’on les ouvre. Il est à la fois plein de subtilité et de souffle, et le fantôme de Prévert –qui a fini ses jours tout près de là – n’est jamais loin. Les descriptions, en particulier, sont extrêmement évocatrices et traduisent parfaitement la région. A recommander. JF



Atlas des îles abandonnées, de Judith Schalansky, Ed. Arthaud – 2010

Désertes ou peuplées d'étranges créatures, paradis perdus ou contrées dantesques, les îles ont ceci de magique qu'elles inspirent la crainte autant que la fascination. Cet Atlas des îles abandonnées nous emmène en voyage dans des territoires éparpillés sur le globe, à la frontière du monde tangible et de l'imagination. Dans les eaux polaires du Nord, l'île Solitude est murée dans les glaces. Des millions de crabes rouges fleurissent les plages de l'île Christmas dès les premières pluies tropicales. Au milieu du Pacifique, la femme-oiseau de Banaba alimente les affabulations collectives... Chacune des cinquante îles présentées ici –qui ne sont pas nécessairement désertes– a sa propre histoire. Qu'elle soit invraisemblable, merveilleuse, légendaire ou oubliée, elle raconte le destin d'une miette de terre, quelque part dans l'immensité océane.

L’auteur, Judith Schalansky, née en 1980 en ex-RDA, est écrivain et designer. Elle apporte une attention particulière à la conception matérielle et graphique de ses ouvrages, en concevant à la fois couverture, mise en page et typographie. Pour chacune des îles décrites, la page de gauche développe quelques informations géographiques suivies de faits historiques sur une frise. Puis une anecdote est développée. Sur la page de droite figure une carte dessinée avec une précision rigoureuse et un grand sens artistique.

Son Atlas des îles abandonnées a reçu le prix du plus beau livre allemand de l’année 2009.

J’ai été particulièrement sensible à la réflexion de l’auteur sur la subjectivité de la cartographie, dont elle a su éviter les pièges en décrivant des territoires de petite surface. J’aurais certes préféré que l’historique sur chaque île soit plus complet, mais j’ai beaucoup apprécié la présentation générale, la qualité et les couleurs du papier utilisé, le dessin des cartes. Ajoutons à l’intérêt documentaire et esthétique de ce livre le plaisir apporté par la préface d’Olivier de Kersauson, qui définit les îles comme des bateaux immobiles… ou le paradis de la connaissance de soi. Autre dimension du voyage ! CP



Le cimetière des bateaux sans nom, d’Arturo Pérez Reverte, Ed. Maspero – 2001

Marin interdit de navigation à la suite d’un accident malheureux au large de Cadix, l'ex-officier de la marine marchande Manuel Coy trompe son ennui en flânant dans le port de Barcelone. Une nuit de déprime, il manque de se faire casser la figure pour les beaux yeux d'une mystérieuse blonde, responsable d’un musée maritime. Reconnaissante, la jeune femme lui propose un travail. Et pas n'importe lequel : la recherche d’une épave contenant un fabuleux trésor destiné au roi d’Espagne !  Prends garde, matelot ! S'associer à la belle Tanger Soho, c'est prendre le risque de partir tôt ou tard à la dérive pour finalement s'écraser avec perte et fracas sur le rivage honni. Ces craintes amplement justifiées ne résistent pas longtemps à l'extraordinaire volonté de la jeune femme et à son immense capacité de séduction. Rapidement subjugué, Coy est prêt à toutes les folies pour l'attirer dans son lit, y compris s'embarquer dans une nébuleuse expédition où tromperies et mensonges l'attendront à chaque nouveau coup de barre. Mais dans cette fabuleuse histoire d'amour et d'aventure, l’héroïne principale est la mer. De Melville à Stevenson, de Conrad à Patrick O'Brian, c'est toute la grande littérature maritime qui revit dans ce fascinant roman, hymne à l'or magique des rêves et métaphore de la part d'ombre tapie en chacun de nous.

On est vraiment, c’est indéniable, dans la grande tradition de la littérature d’aventures maritimes. La mort rôde en permanence, dans les barges entre marins avinés ou dans les affrontements entre pilleurs d’épave. Sans parler des nombreux naufrages dûs aux tempêtes ou à la piraterie. Un parallèle constant s’impose entre le comportement des hommes (et des femmes) et les divers états de la mer, qui peut passer sans préavis d’une beauté poétique à de brusques accès de violence. Pour les amoureux des bateaux, on notera la richesse de la documentation, et donc du vocabulaire maritime. FB



Le grand marin, de Catherine Poulain, Ed. Points – 2017

Quand Lili Colt arrive à Kodiak, un port de l'Alaska, elle sait qu'elle va enfin réaliser son rêve : s'embarquer sur un bateau de pêche hauturière. Pour la jeune femme, qui a fui jadis le confort d'une famille française pour "faire la route", la véritable aventure commence. Le choc est brutal. Il lui faut dormir à même le pont dans le froid insupportable, l'humidité permanente et le sel qui ronge la peau, la fatigue, les blessures...Elle est la seule femme au milieu de ces hommes rudes, au verbe rare et au geste précis qui finiront par l'adopter. A terre, Lili partage la vie des marins -les bars, les clubs de strip-tease, les motels miteux. Quand elle tombe amoureuse du "Grand marin”, elle sait qu'il lui faudra choisir entre sa propre liberté et son attirance pour cet homme dont la fragilité la bouleverse. Entre Jack London et Marguerite Duras, Catherine Poulain fait entendre une voix unique dans le paysage littéraire français, avec ce magnifique premier roman qu'on devine très autobiographique. 

En soi, la vie de Catherine Poulain est déjà un roman : elle a pêché pendant dix ans en Alaska et se partage actuellement entre les Alpes de Haute-Provence et le Médoc, où elle est tour à tour bergère et ouvrière viticole. Son premier livre, très bien écrit et riche en explications, n’a pas reçu moins de huit prix littéraires ! Je vous le recommande. MCH



Prochain rendez-vous

Samedi 16 décembre 2017

Thème : "le mensonge"




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